Légalité du cannabis thérapeutique en France : état des lieux et perspectives

Le cadre législatif du cannabis thérapeutique en France

Le cannabis thérapeutique, ou cannabis à usage médical, suscite depuis plusieurs années un intérêt croissant en France en raison de ses potentielles propriétés médicinales. Toutefois, sa légalité reste encadrée de manière stricte. Le cannabis, selon le Code de la santé publique, est classé comme un stupéfiant (Article R5132-86 du Code de la santé publique), ce qui rend sa culture, sa détention, sa vente et son usage interdits sans autorisation spéciale délivrée par les autorités compétentes.

La distinction est toutefois importante entre le cannabis « récréatif » et le cannabis à usage médical. La loi française autorise l’accès au cannabis à visée thérapeutique dans le cadre d’une expérimentation menée depuis 2021 sous l’égide de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

L’expérimentation du cannabis médical en France

Depuis mars 2021, la France a lancé une expérimentation de deux ans visant à évaluer l’efficacité du cannabis thérapeutique dans le cadre médical. Cette expérimentation, prolongée en mars 2023 pour une durée indéterminée dans l’attente d’un dispositif pérenne, repose sur un protocole sécurisé défini par l’ANSM. Elle implique environ 3000 patients souffrant de pathologies graves ou résistantes aux traitements conventionnels, notamment :

  • certaines formes d’épilepsie sévère
  • les douleurs neuropathiques réfractaires aux thérapies habituelles
  • les soins de support en oncologie
  • la spasticité douloureuse de la sclérose en plaques
  • les situations palliatives

Le cannabis utilisé dans ce cadre est administré sous forme d’huile, de gélule ou d’inhalation. Il est prescrit uniquement par des professionnels de santé formés au dispositif et délivré dans des pharmacies hospitalières, puis dans certaines pharmacies de ville agréées.

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L’expérimentation, supervisée par un comité scientifique, vise à recueillir des données sur l’usage, la sécurité, l’efficacité et la faisabilité d’un dispositif élargi d’accès au cannabis médical. Elle constitue un préalable indispensable avant toute légalisation définitive du cannabis thérapeutique.

Quelle législation s’applique actuellement pour les patients ?

Hors cadre expérimental, l’usage du cannabis médical demeure interdit. Seules les personnes intégrées dans le programme pilote peuvent légalement accéder à ces traitements.

En revanche, certains médicaments dérivés du cannabis, autorisés à l’échelle européenne, sont commercialisables en France dans des cas exceptionnels, via une autorisation temporaire d’utilisation (ATU). Un exemple est le Sativex®, un spray buccal indiqué pour la sclérose en plaques, autorisé depuis 2014 mais dont l’accès reste néanmoins très restreint.

L’ANSM et le ministère de la Santé restent seuls habilités à autoriser ou restreindre l’usage de produits contenant des cannabinoïdes, comme mentionné dans le décret n°2020-1230 du 7 octobre 2020 qui encadre l’expérimentation en cours.

Perspectives de légalisation et enjeux de santé publique

En France, l’émergence d’un cadre légal pour le cannabis médical soulève de nombreuses questions : sécurité, responsabilité médicale, coût, impact économique, acceptabilité sociale. La demande pour une régulation plus claire et pérenne se fait de plus en plus pressante, tant du côté des patients que des professionnels de santé.

Les résultats intermédiaires de l’expérimentation sont encourageants. Des patients rapportent une amélioration de la qualité de vie, une réduction significative de la douleur, et une meilleure gestion des effets secondaires liés à certaines maladies chroniques. En parallèle, la faible incidence des effets indésirables graves contribue à nourrir les perspectives d’un encadrement légal plus large.

Une commission parlementaire a récemment recommandé, dans un rapport publié en 2023, de mettre en place un cadre législatif définitif pour autoriser la prescription encadrée de cannabis thérapeutique dès la fin du projet pilote. Le gouvernement envisage, selon les dernières déclarations du ministère de la Santé (source : gouvernement.fr), la création d’une filière française de production de cannabis médical, en vue d’assurer un accès contrôlé, sûr et durable à la substance.

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La filière du cannabis médical : état actuel et potentiel économique

Dans l’hypothèse d’une légalisation élargie, la filière française du cannabis thérapeutique pourrait s’organiser autour de plusieurs maillons : recherche, culture, extraction, transformation, distribution. Actuellement, la production de cannabis médical en France reste interdite, et l’expérimentation est approvisionnée par des producteurs étrangers (Canada, Israël, Australie notamment).

Un encadrement juridique clair ouvrirait la voie à la culture sous contrôle strict de variétés de cannabis à usage thérapeutique, avec des taux définis de THC et de CBD conformes aux standards pharmaceutiques. Cela pourrait permettre à la filière agricole du chanvre de s’adapter et se diversifier, tout en favorisant l’innovation en matière de biotechnologie, de pharmacogénétique et de pharmaceutique naturelle.

CBD et cannabis médical : une confusion fréquente

Il est essentiel de distinguer le CBD (cannabidiol) du cannabis contenant du THC utilisé à des fins médicales. Le CBD est une molécule non psychotrope issue du chanvre qui n’est pas classée comme stupéfiant, sauf si extraite de la plante illicitement cultivée en France. Sa vente est autorisée sous certaines conditions conformes à l’arrêté du 30 décembre 2021, qui précise :

  • la teneur maximale en THC ne doit pas dépasser 0,3 % dans les produits finis
  • les fleurs et feuilles ne peuvent pas être commercialisées à l’état brut (bien que cette interdiction ait été suspendue à plusieurs reprises par la justice)

À l’inverse, les produits à base de cannabis médical contiennent souvent une combinaison contrôlée de THC (tétrahydrocannabinol) et de CBD, avec des posologies précises. Ces produits nécessitent une surveillance médicale stricte.

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Il est donc important de ne pas faire d’amalgame entre les produits bien-être à base de chanvre ou de CBD, disponibles légalement en magasin ou en ligne, et les traitements issus du cannabis médical dispensés sous prescription dans le cadre d’un encadrement strict.

Évolution européenne et comparaison internationale

La France reste encore en retrait par rapport à plusieurs pays européens qui ont légalisé de manière plus large l’usage du cannabis médical. L’Allemagne, par exemple, a autorisé dès 2017 la prescription de cannabis médical, avec remboursement partiel par les caisses d’assurance maladie. L’Italie, les Pays-Bas ou encore le Portugal disposent également de régulations spécifiques sur le sujet.

Cette dynamique européenne contribue à une forme de pression sur le législateur français pour harmoniser les pratiques et offrir aux patients un accès égalitaire aux solutions thérapeutiques à base de cannabis. La décision d’adopter un cadre juridico-sanitaire harmonisé pourrait participer à la modernisation du système de soins en France.

Enfin, le développement de la recherche scientifique sur le cannabis médical, soutenue par l’École nationale supérieure de chimie de Montpellier, l’Inserm et d’autres organismes français, laisse entrevoir de futures innovations thérapeutiques prometteuses. Le cannabis médical pourrait devenir, à moyen terme, un atout certain dans la palette de traitements pour la gestion des douleurs chroniques et des pathologies neurologiques réfractaires.